LaMort N'est Rien Charles Peguy : The Jewish Exponent Excursions In Jewish Military History And Jewish Genealogy. Quant Ă  la version «chocolat», sa crĂ©ation n'est pas si rĂ©cente puisqu'elle remonte aux annĂ©es 1950. Faire face Ă  la mort. N'employez pas un ton diffĂ©rent, ne prenez pas un air solennel et. Je suis moi et vous ĂȘtes vous ce que nous Ă©tions les Tout cela se passait sous la clartĂ© des cieux ; Les anges dans la nuit avaient formĂ© des chƓurs. Les anges dans la nuit chantaient comme des fleurs. Par dessus les bergers, par dessus les rois mages L’étoile dans la nuit brillait comme un clou d’or. L’étoile dans la nuit brillait Juste seul poussa la clameur Ă©ternelle. Les larrons ne criaient qu’une clameur humaine ; Car ils ne connaissaient qu’une dĂ©tresse humaine ; Ils n’avaient Ă©prouvĂ© qu’une dĂ©tresse humaine. Lui seul pouvait crier la clameur surhumaine ; Lui seul connut alors cette surhumaine dĂ©tresse. Sa gorge qui lui faisait mal. Qui lui cuisait. Qui lui brĂ»lait. Qui lui dĂ©chirait. Sa gorge sĂšche et qui avait soif. Son gosier sec. Son gosier qui avait soif. Sa main gauche qui lui brĂ»lait. Et sa main droite. Son pied gauche qui lui brĂ»lait. Et son pied droit. Parce que sa main gauche Ă©tait percĂ©e. Et sa main droite. Et son pied gauche Ă©tait percĂ©. Et son pied droit. Tous ses quatre membres. Ses quatre pauvres membres. Et son flanc qui lui brĂ»lait. Son flanc percĂ©. Son cƓur percĂ©. Et son cƓur qui lui brĂ»lait. Son cƓur consumĂ© d’amour. Son cƓur dĂ©vorĂ© d’ reniement de Pierre et la lance romaine ; Les crachats, les affronts, la couronne d’épines ; Le roseau flagellant, le sceptre de roseau ; Les clameurs de la foule et les bourreaux romains. Le soufflet. Car ce fut la premiĂšre fois qu’il fut souffletĂ©. Il n’avait pas criĂ© sous la lance romaine ; Il n’avait pas criĂ© sous le baiser parjure ; Il n’avait pas criĂ© sous l’ouragan d’injure ; Il n’avait pas criĂ© sous les bourreaux romains. Alors pourquoi cria-t-il ; devant quoi cria-t-il. Tristis, tristis usque ad mortem ; Triste jusqu’à la mort ; mais jusqu’à quelle mort ; Jusqu’à faire une mort ; ou jusqu’à cette date De la revoyait l’humble berceau de son enfance, La crĂšche, OĂč son corps fut couchĂ© pour la premiĂšre fois ; Il prĂ©voyait le grand tombeau de son corps mort, Le dernier berceau de tout homme, OĂč il faut que tout homme se couche. Pour dormir. CensĂ©ment. Apparemment. Pour enfin reposer. Pour pourrir. Son corps. Entre quatre planches. En attendant la rĂ©surrection des corps. Jusqu’à la rĂ©surrection des corps. Heureux quand les Ăąmes ne pourrissent point. Et il Ă©tait homme ; Il devait subir le sort commun ; S’y coucher comme tout le monde ; Il devait y passer comme tout le monde ; Il y passerait. Comme les autres. Comme tout le monde. Comme tant d’autres. AprĂšs tant d’autres. Son corps serait couchĂ© pour la derniĂšre fois. Mais il n’y resterait que deux jours, trois jours ; Ă  cause de sa rĂ©surrection. Car il ressusciterait le troisiĂšme jour. À cause de sa rĂ©surrection particuliĂšre et de son ascension. À lui. Qu’il fit avec son propre corps, avec le mĂȘme linge de son ensevelissement ; Blanc comme le mouchoir de cette nommĂ©e VĂ©ronique ; Le linge blanc comme un lange. Et que l’on entoure tout Ă  fait comme un lange. Mais plus grand, beaucoup plus grand. Parce que lui-mĂȘme il avait grandi. Il Ă©tait devenu un homme. C’était un enfant qui avait beaucoup grandi. Il serait enseveli par ces femmes. Pieusement par les mains de ces femmes. Comme un homme qui est mort dans un village. Tranquillement dans sa maison dans son village. AccompagnĂ© des derniers saisit d’un regard toute sa vie humaine, Que trente ans de famille et trois ans de public N’avaient point accomplie ; Que trente ans de travail et trois ans de priĂšres, Trente-trois ans de travail, trente-trois ans de priĂšres N’avaient point achevĂ©e ; Que trente ans de charpente et trois ans de parole, Trente-trois ans de charpente, trente-trois ans de parole, secrĂšte ; publique ; N’avaient point Ă©puisĂ©e ; Car il avait travaillĂ© dans la charpente, de son mĂ©tier. Il travaillait, il Ă©tait dans la charpente. Dans la charpenterie. Il Ă©tait ouvrier charpentier. Il avait mĂȘme Ă©tĂ© un bon ouvrier. Comme il avait Ă©tĂ© un bon tout. C’était un compagnon charpentier. Son pĂšre Ă©tait un tout petit patron. Il travaillait chez son pĂšre. Il faisait du travail Ă  voyait, il revoyait aussi l’établi et le rabot. L’établi. Le billot pour appuyer le morceau de bois que l’on fend. La scie et la varlope. Les beaux vrillons, les beaux copeaux de bois. La bonne odeur du bois frais. FraĂźchement coupĂ©. FraĂźchement taillĂ©. FraĂźchement sciĂ©. Et la belle couleur, et la belle odeur, Et la bonne couleur, et la bonne odeur. Du bois quand on enlĂšve l’écorce. Quand on le pelure. Comme un beau fruit. Comme un bon fruit. Que l’on mangerait. Mais ce sont les outils qui le mangent. Et l’écorce qui se sĂ©pare. Qui s’écarte. Qui se pĂšle. Qui s’enlĂšve dĂ©licatement sous la cognĂ©e. Qui sent si bon et qui a une si belle couleur Ă©tait fait pour ce mĂ©tier-lĂ . SĂ»rement. Le mĂ©tier des berceaux et des cercueils. Qui se ressemblent tant. Des tables et des lits. Et aussi des autres meubles. De tous les meubles. Car il ne faut oublier personne. Il ne faut dĂ©courager personne. Le mĂ©tier des buffets, des armoires, des commodes. Des maies. Pour mettre le pain. Des escabeaux. Et le monde n’est que l’escabeau de vos avait Ă©tĂ© un bon ouvrier. Un bon charpentier. Comme il avait Ă©tĂ© un bon fils. Un bon fils pour sa mĂšre Marie. Un enfant bien sage. Bien docile. Bien soumis. Bien obĂ©issant Ă  ses pĂšre et mĂšre. Un enfant. Comme tous les parents voudraient en avoir. Un bon fils pour son pĂšre Joseph. Pour son pĂšre nourricier Joseph. Le vieux charpentier. Le maĂźtre charpentier. Comme il avait Ă©tĂ© un bon fils aussi pour son pĂšre. Pour son pĂšre qui ĂȘtes aux il avait Ă©tĂ© un bon pauvre. Comme il avait Ă©tĂ© un bon citoyen. Il avait Ă©tĂ© un bon fils pour ses pĂšre et mĂšre. Jusqu’au jour oĂč il avait commencĂ© sa mission. Sa prĂ©dication. Un bon fils pour sa mĂšre Marie. Jusqu’au jour oĂč il avait commencĂ© sa trois jours elle pleurait. Depuis trois jours elle errait, elle suivait. Elle suivait le cortĂšge. Elle suivait les Ă©vĂ©nements. Elle suivait comme Ă  un enterrement. Mais c’était l’enterrement d’un vivant. D’un vivant encore. Elle suivait ce qui se passait. Elle suivait comme si elle avait Ă©tĂ© du cortĂšge. De la cĂ©rĂ©monie. Elle suivait comme une suivante. Comme une servante. Comme une pleureuse des Romains. Des enterrements romains. Comme si ça avait Ă©tĂ© son mĂ©tier. De pleurer. Elle suivait comme une pauvre femme. Comme une habituĂ©e du cortĂšge. Comme une suivante du cortĂšge. Comme une servante. DĂ©jĂ  comme une habituĂ©e. Elle suivait comme une pauvresse. Comme une mendiante. Eux qui n’avaient jamais rien demandĂ© Ă  personne. À prĂ©sent elle demandait la charitĂ©. Sans en avoir l’air elle demandait la charitĂ©. Puisque sans en avoir l’air, sans mĂȘme le savoir elle demandait la charitĂ© de la pitiĂ©. D’une piĂ©tĂ©. D’une certaine piĂ©tĂ©. ce qu’il avait fait de sa mĂšre. Depuis qu’il avait commencĂ© sa mission. Elle suivait, elle pleurait. Elle pleurait, elle pleurait. Les femmes ne savent que pleurer. On la voyait partout. Dans le cortĂšge mais un peu en dehors du cortĂšge. Sous les portiques, sous les arcades, dans les courants d’air. Dans les temples, dans les palais. Dans les rues. Dans les cours et dans les arriĂšre-cours. Et elle Ă©tait montĂ©e aussi sur le Calvaire. Elle aussi elle avait gravi le Calvaire. Qui est une montagne escarpĂ©e. Et elle ne sentait seulement pas qu’elle marchait. Elle ne sentait seulement pas ses pieds qui la portaient. Elle ne sentait pas ses jambes sous elle. Elle aussi elle avait gravi son calvaire. Elle aussi elle avait montĂ©, montĂ©. Dans la cohue, un peu en arriĂšre. MontĂ© au Golgotha. Sur le Golgotha. Sur le faĂźte. Jusqu’au faĂźte. OĂč il Ă©tait maintenant crucifiĂ©. ClouĂ© des quatre membres. Comme un oiseau de nuit sur la porte d’une grange. Lui le Roi de LumiĂšre. Au lieu appelĂ© Golgotha. C’est-Ă -dire la place du ce qu’il avait fait de sa mĂšre. Depuis trois jours elle suivait elle suivait. AccompagnĂ©e seulement de trois ou quatre femmes. De ces saintes femmes. EscortĂ©e, entourĂ©e seulement de ces quelques femmes. De ces quelques saintes femmes. Des saintes femmes. Enfin. Puisqu’éternellement on devait les nommer ainsi. Qui gagnaient ainsi. Qui assuraient ainsi leur part de paradis. Et pour sĂ»r elles auraient une bonne place. Aussi bonne que celle qu’elles avaient en ce moment. Puisqu’elles auraient la mĂȘme place. Car elles seraient aussi prĂšs de lui qu’en ce moment. Éternellement aussi prĂšs qu’en ce moment mĂȘme. Éternellement aussi prĂšs dans sa gloire. Que dans sa passion. Dans la gloire de sa ce qu’il avait fait de sa mĂšre. Elle pleurait comme jamais il ne sera donnĂ© ; Comme jamais il ne sera demandĂ© À une femme de pleurer sur terre. Éternellement jamais. À aucune femme. VoilĂ  ce qu’il avait fait de sa mĂšre. D’une mĂšre maternelle. Ce qu’il y a de curieux c’est que tout le monde la respectait. Les gens respectent beaucoup les parents des condamnĂ©s. Ils disaient mĂȘme la pauvre femme. Et en mĂȘme temps ils tapaient sur son fils. Parce que l’homme est comme ça. L’homme est ainsi fait. Le monde est comme ça. Les hommes sont comme ils sont et on ne pourra jamais les changer. Elle ne savait pas qu’au contraire il Ă©tait venu changer l’homme. Qu’il Ă©tait venu changer le monde. Elle suivait, elle pleurait. Et en mĂȘme temps ils tapaient sur son garçon. Elle suivait, elle pleurait. Tout le monde la respectait. Tout le monde la plaignait. On disait la pauvre femme. C’est que tous ces gens n’étaient peut-ĂȘtre pas mĂ©chants. Ils n’étaient pas mĂ©chants au fond. Ils accomplissaient les Écritures. Ce qui est curieux, c’est que tout le monde la respectait. Parce qu’elle Ă©tait la mĂšre du condamnĂ©. On pensait c’est la famille du condamnĂ©. On le disait mĂȘme Ă  voix basse. On se le disait, entre soi, Avec une secrĂšte admiration. Et on avait raison, c’était toute sa famille. Sa famille charnelle et sa famille Ă©lue. Sa famille sur la terre et sa famille dans le ciel. Elle suivait, elle pleurait. Depuis trois jours les gens disaient Elle a vieilli de dix ans. Je l’ai encore vue. Je l’avais encore vue la semaine derniĂšre. En trois jours elle a vieilli de dix suivait, elle pleurait, elle ne comprenait pas trĂšs bien. Mais elle comprenait trĂšs bien que le gouvernement Ă©tait contre son garçon. Ce qui est une mauvaise affaire. Que le gouvernement Ă©tait pour le mettre Ă  mort. Toujours une mauvaise affaire. Et qui ne pouvait pas bien finir. Tous les gouvernements s’étaient mis d’accord contre lui. Le gouvernement des Juifs et le gouvernement des Romains. Le gouvernement des juges et le gouvernement des prĂȘtres. Le gouvernement des soldats et le gouvernement des curĂ©s. Il n’en rĂ©chapperait sĂ»rement pas. Certainement pas. Tout le monde Ă©tait contre lui. Tout le monde Ă©tait pour sa mort. Pour le mettre Ă  mort. Voulait sa fois on avait un gouvernement pour soi. Et l’autre contre soi. Alors on pouvait en rĂ©chapper. Mais lui tous les gouvernements. Tous les gouvernements d’abord. Et le gouvernement et le peuple. C’est ce qu’il y avait de plus fort. C’était ça surtout qu’on avait contre soi. Le gouvernement et le peuple. Qui d’habitude ne sont jamais d’accord. Et alors on en profite. On peut en profiter. Il est bien rare que le gouvernement et le peuple soient d’accord. Et alors celui qui est contre le gouvernement. Est avec le peuple. Pour le peuple. Et celui qui est contre le peuple. Est avec le gouvernement. Pour le gouvernement. Celui qui est appuyĂ© par le gouvernement. N’est pas appuyĂ© par le peuple. Celui qui est soutenu par le peuple. N’est pas soutenu par le gouvernement. Alors en s’appuyant sur l’un ou sur l’autre. Sur l’un contre l’autre. On pouvait quelquefois en rĂ©chapper. On pourrait peut-ĂȘtre s’arranger. Mais ils n’avaient pas de chance. Elle voyait bien que tout le monde Ă©tait contre lui. Le gouvernement et le peuple. Ensemble. Et qu’ils l’auraient. Qu’ils auraient sa aussi elle Ă©tait montĂ©e. MontĂ©e avec tout le monde. Jusqu’au faĂźte. Sans mĂȘme s’en apercevoir. Ses jambes la portaient sans mĂȘme s’en apercevoir. Elle aussi elle avait fait son chemin de croix. Les quatorze stations. Au fait Ă©tait-ce bien quatorze stations. Y avait-il bien quatorze stations. Y en avait-il bien quatorze. Elle ne savait plus au juste. Elle ne se rappelait plus. Pourtant elle les avait faites. Elle en Ă©tait sĂ»re. Mais on peut se tromper. Dans ces moments-lĂ  la tĂȘte se trouble. Nous autres qui ne les avons pas faites nous le savons. Elle qui les avait faites elle ne savait le monde Ă©tait contre lui. Tout le monde voulait sa qu’il avait donc fait Ă  tout le monde. Je vais vous le dire Il avait sauvĂ© le pleurait, elle pleurait. Tout le monde Ă©tait contre lui. Elle suivait de loin. De prĂšs. D’assez loin. D’assez prĂšs. Cette cohue hurlante. Cette meute qui aboyait. Et mordait. Cette cohue hurlante qui hurlait et tapait. Sans conviction. Avec conviction. Car ils accomplissaient les Écritures. On peut dire qu’ils tapaient religieusement. Puisqu’ils accomplissaient les Écritures. Des prophĂštes. Tout le monde Ă©tait contre lui. Depuis Ponce Pilate. Ce Ponce Pilate. Pontius Pilatus. Sub Pontio Pilato passus. Et sepultus est. Un brave homme. Du moins on le disait un brave homme. Bon. Pas mĂ©chant. Un Romain. Qui comprenait les intĂ©rĂȘts du pays. Et qui avait beaucoup de mal Ă  gouverner ces Juifs. Qui sont une race indocile. Seulement, voilĂ , depuis trois jours une folie les avait pris contre son garçon. Une folie. Une espĂšce de rage. Oui ils Ă©taient enragĂ©s. AprĂšs lui. Qu’est-ce qu’ils avaient. Il n’avait pourtant pas fait tant de mal que ça. Tous. Lui en tĂȘte Ponce Pilate. L’homme qui se lavait les mains. Le procurateur. Le procurateur pour les Romains. Le procurateur de JudĂ©e. Tous. Et CaĂŻphe le grand-prĂȘtre. Les gĂ©nĂ©raux, les officiers, les soldats. Les sous-officiers, centeniers, centurions, dĂ©curions. Les prĂȘtres et les princes des prĂȘtres. Les Ă©crivains. C’est-Ă -dire les scribes. Les pharisiens, les publicains, les pĂ©agers. Les Pharisiens et les SadducĂ©ens. Les publicains qui sont comme qui dirait les percepteurs. Et qui ne sont pas pour ça des hommes plus mauvais que les lui avait dit aussi qu’il avait des disciples. Des apĂŽtres. Mais on n’en voyait point. Ça n’était peut-ĂȘtre pas vrai. Il n’en avait peut-ĂȘtre pas. Il n’en avait peut-ĂȘtre jamais eu. On se trompe, des fois, dans la vie. S’il en avait eu on les aurait vus. Parce que s’il en avait eu, ils se seraient montrĂ©s. Hein, c’étaient des hommes, ils se seraient elle avait su. Si elle avait su elle aurait pleurĂ© toujours. PleurĂ© toute sa vie. PleurĂ© d’avance. Elle se serait mĂ©fiĂ©e. Elle aurait pris les devants. Comme ça elle n’aurait pas Ă©tĂ© trompĂ©e. Elle n’aurait pas Ă©tĂ© trahie. Elle s’était trahie elle-mĂȘme en ne pleurant pas. Elle s’était volĂ©e elle-mĂȘme. Elle s’était trompĂ©e elle-mĂȘme. En ne pleurant pas. En acceptant ces jours de bonheur. Elle s’était trahie elle-mĂȘme. Elle Ă©tait entrĂ©e dans le jeu. Quand on pense qu’il y a des jours oĂč elle avait ri. Innocemment. L’innocente. Tout allait si bien dans ce temps-lĂ . Elle pleurait elle pleurait pour effacer ces jours. Elle pleurait, elle pleurait, elle effaçait ces jours. Ces jours qu’elle avait volĂ©s. Qu’on lui avait volĂ©s. Ces jours qu’elle avait dĂ©robĂ©s Ă  son pauvre fils qui en ce moment expirait sur la croix. Non seulement il avait contre lui le peuple. Mais les deux peuples. Tous les deux peuples. Le peuple des pauvres. Qui est sĂ©rieux. Et respectable. Et le peuple des misĂ©rables. Des misĂ©reux. Qui n’est pas sĂ©rieux. Ni pas respectable. Il avait contre lui ceux qui travaillaient et ceux qui ne faisaient rien. Ceux qui travaillaient et ceux qui ne travaillaient pas. Ensemble. Également. Le peuple des ouvriers. Qui est sĂ©rieux. Et respectable. Et le peuple des mendiants. Qui n’est pas sĂ©rieux. Mais qui est peut-ĂȘtre respectable tout de mĂȘme. Parce qu’on ne sait pas. La tĂȘte se trouble. La tĂȘte se dĂ©range. Les idĂ©es se dĂ©rangent quand on voit des choses comme n’avait tout de mĂȘme pas fait du mal Ă  tout ce monde. À tout ce monde-lĂ . Enfin on exagĂšre. On exagĂšre toujours. Le monde est mauvaise langue. On exagĂ©rait. Enfin il n’avait pas fait du mal Ă  tout le monde. Il Ă©tait trop jeune. Il n’avait pas eu le temps. D’abord il n’aurait pas eu le temps. Quand un homme est tombĂ©, tout le monde est dessus. Vous savez, chrĂ©tiens, ce qu’il avait fait. Il avait fait ceci. Qu’il avait sauvĂ© le pleurait, elle Ă©tait devenue affreuse. Les cils collĂ©s. Les deux paupiĂšres, celle du dessus et celle du dessous, GonflĂ©es, meurtries, sanguinolentes. Les joues ravagĂ©es. Les joues ravinĂ©es. Les joues ravaudĂ©es. Ses larmes lui avaient comme labourĂ© les joues. Les larmes de chaque cĂŽtĂ© lui avaient creusĂ© un sillon dans les joues. Les yeux lui cuisaient, lui brĂ»laient. Jamais on n’avait autant pleurĂ©. Et pourtant ce lui Ă©tait un soulagement de pleurer. La peau lui cuisait, lui brĂ»lait. Et lui pendant ce temps-lĂ  sur la croix les Cinq Plaies lui brĂ»laient. Et il avait la fiĂšvre. Et elle avait la fiĂšvre. Et elle Ă©tait ainsi associĂ©e Ă  sa elle l’abandonnait Ă  cette foule. Elle laissait aller. Elle laissait couler. Qu’est-ce qu’une femme peut faire dans une foule. Je vous le demande. Elle ne se reconnaissait plus. Elle Ă©tait bien changĂ©e. Elle allait entendre le cri. Le cri qui ne s’éteindra dans aucune nuit d’aucun temps. Ce n’était pas Ă©tonnant qu’elle ne se reconnaissait plus. En effet elle n’était plus la mĂȘme. Jusqu’à ce jour elle avait Ă©tĂ© la Reine de BeautĂ©. Et elle ne serait plus, elle ne redeviendrait plus la Reine de BeautĂ© que dans le ciel. Le jour de sa mort et de son assomption. AprĂšs le jour de sa mort et de son assomption. Éternellement. Mais aujourd’hui elle devenait la Reine de MisĂ©ricorde. Comme elle sera dans les siĂšcles des dommage. Une vie qui avait si bien commencĂ©. C’était dommage. Elle se rappelait bien. Comme il rayonnait sur la paille dans cette Ă©table de BethlĂ©em. Une Ă©toile Ă©tait montĂ©e. Les bergers l’adoraient. Les mages l’adoraient. Les anges l’adoraient. Qu’étaient donc devenus tous ces gens-lĂ . Qu’est-ce que tout ce monde-lĂ  Ă©tait devenu. Pourtant c’étaient les mĂȘmes gens. C’était le mĂȘme monde. Les gens Ă©taient toujours les gens. Le monde Ă©tait toujours le monde. On n’avait pas changĂ© le monde. Les rois Ă©taient toujours les rois. Et les bergers Ă©taient toujours les bergers. Les grands Ă©taient toujours les grands. Et les petits Ă©taient toujours les petits. Les riches Ă©taient toujours les riches. Et les pauvres Ă©taient toujours les pauvres. Le gouvernement Ă©tait toujours le gouvernement. Elle ne voyait pas qu’en effet il avait changĂ© le quelle Ă©tait sa rĂ©compense. VoilĂ  comme elle Ă©tait rĂ©compensĂ©e. D’avoir portĂ©. D’avoir enfantĂ©. D’avoir allaitĂ©. D’avoir portĂ©. Dans ses bras. Celui qui est mort pour les pĂ©chĂ©s du monde. D’avoir portĂ©. D’avoir enfantĂ©. D’avoir allaitĂ©. D’avoir portĂ©. Dans ses bras. Celui qui est mort pour le salut du monde. D’avoir portĂ©. D’avoir enfantĂ©. D’avoir allaitĂ©. D’avoir portĂ©. Dans ses bras. Celui par qui les pĂ©chĂ©s du monde seront remis. Et de lui avoir fait sa soupe et bordĂ© son lit jusqu’à trente ans. Car il se laissait volontiers environner de sa tendresse. Il savait que ça ne durerait pas sentait tout ce qui se passait dans son corps. Surtout la souffrance. Il avait surtout une crampe. Une crampe effroyable. À cause de cette position. De rester toujours dans la mĂȘme position. Elle la sentait. D’ĂȘtre forcĂ© d’ĂȘtre dans cette affreuse position. Une crampe de tout le corps. Et tout le poids de son corps portait sur ses quatre Plaies. Il avait des crampes. Elle savait combien il souffrait. Elle sentait bien combien il avait de mal. Elle avait mal Ă  sa tĂȘte et Ă  son flanc et Ă  ses Quatre Plaies. Et lui en lui-mĂȘme il se disait VoilĂ  ma mĂšre. Qu’est-ce que j’en ai fait. VoilĂ  ce que j’ai fait de ma mĂšre. Cette pauvre vieille femme. Devenue vieille. Qui nous suit depuis vingt-quatre heures. De prĂ©toire en prĂ©toire. Et de prĂ©toire en place comme tous les mourants il repassait sa vie entiĂšre. Toute la vie Ă  Nazareth. Il se revoyait tout le long de sa vie entiĂšre. Et il se demandait comment il avait pu se faire tant d’ennemis. C’était une gageure. Comment il avait rĂ©ussi Ă  se faire tant d’ennemis. C’était une gageure. C’était un dĂ©fi. Ceux de la ville, ceux des faubourgs, ceux des campagnes. Tous ceux qui Ă©taient lĂ , qui Ă©taient venus. Qui s’étaient rassemblĂ©s lĂ . Qui Ă©taient assemblĂ©s. Comme Ă  une fĂȘte. À une fĂȘte odieuse. ChrĂ©tiens, vous savez pourquoi C’est qu’il Ă©tait venu annoncer le rĂšgne de Dieu. Et en somme tout ce monde-lĂ  avait raison. Tout ce monde-lĂ  ne se trompait pas tant que ça. C’était la grande fĂȘte qui Ă©tait donnĂ©e pour le salut du monde. Seulement c’était lui qui en faisait les frais. Les marchands, il comprenait encore. C’était lui qui avait commencĂ©. Il s’était mis un jour en colĂšre aprĂšs eux. Dans une sainte colĂšre. Et il les avait chassĂ©s du temple. À grands coups de il n’aimait pas les commerçants. Ouvrier. Fils d’ouvriers. Fils nourricier. Fils nourri. De famille ouvriĂšre. D’instinct il n’aimait pas les commerçants. Il n’entendait rien au commerce. Au nĂ©goce. Il ne savait que travailler. Il Ă©tait portĂ© Ă  croire que tous les commerçants Ă©taient des voleurs. Les marchands, les marchands du Temple il comprenait encore. Mais les un mourant, comme tous les mourants il repassait sa vie entiĂšre. Au moment de la prĂ©senter. De la rapporter Ă  son pĂšre. Un jour les camarades l’avaient trouvĂ© trop grand. Simplement. Un jour les amis, les amis l’avaient trouvĂ© trop grand. Un jour les citoyens l’avaient trouvĂ© trop grand. Et il n’avait pas Ă©tĂ© prophĂšte en son pays. ChrĂ©tiens, vous savez pourquoi C’est qu’il Ă©tait venu annoncer le rĂšgne de Dieu. Tout le monde l’avait trouvĂ© trop grand. Ça se voyait trop qu’il Ă©tait le fils de Dieu. Quand on le frĂ©quentait. Les Juifs l’avaient trouvĂ© trop grand. Pour un Juif. Trop grand Juif. Ça se voyait trop qu’il Ă©tait le Messie prĂ©dit par les ProphĂštes. AnnoncĂ©, attendu depuis les siĂšcles des repassait, il repassait toutes les heures de sa vie. Toute la vie Ă  Nazareth. Il avait semĂ© tant d’amour. Il rĂ©coltait tant de haine. Son cƓur lui brĂ»lait. Son cƓur dĂ©vorĂ© d’amour. Et Ă  sa mĂšre il avait apportĂ© ceci. De voir ainsi traiter Le fruit de ses cƓur lui brĂ»lait. Son cƓur lui dĂ©vorait. Son cƓur brĂ»lĂ© d’amour. Son cƓur dĂ©vorĂ© d’amour. Son cƓur consumĂ© d’amour. Et jamais homme avait-il soulevĂ© tant de haine. Jamais homme avait-il soulevĂ© une telle haine. C’était une gageure. C’était comme un dĂ©fi. Comme il avait semĂ© il n’avait pas rĂ©coltĂ©. Son pĂšre savait pourquoi. Ses amis l’aimaient-ils autant que ses ennemis le haĂŻssaient. Son pĂšre le savait. Ses disciples, ses disciples l’aimaient-ils autant que ses ennemis le haĂŻssaient. Son pĂšre le savait. Ses apĂŽtres, ses apĂŽtres l’aimaient-ils autant que ses ennemis le haĂŻssaient. Son pĂšre le savait. Les onze l’aimaient-ils autant que le douziĂšme, que le treiziĂšme le haĂŻssait. Les onze l’aimaient-ils autant que le douziĂšme, que le treiziĂšme l’avait trahi. Son pĂšre le savait. Son pĂšre le donc que l’homme. Cet homme. Qu’il Ă©tait venu sauver. Dont il avait revĂȘtu la nature. Il ne le savait pas. Comme homme il ne le savait pas. Car nul homme ne connaĂźt l’homme. Car une vie d’homme. Une vie humaine, comme homme, ne suffit pas Ă  connaĂźtre l’homme. Tant il est grand. Et tant il est petit. Tant il est haut. Et tant il est bas. Qu’est-ce que c’était donc que l’homme. Cet homme. Dont il avait revĂȘtu la nature. Son pĂšre le il sentait monter Ă  lui sa mort humaine, Sans voir sa mĂšre en pleur et douloureuse en bas, Droite au pied de la croix, ni Jean ni Madeleine, JĂ©sus mourant pleura sur la mort de Judas. Mourant de sa mort, de notre mort humaine, seulement, il pleura sur cette mort Ă©ternelle. Car il avait connu que le damnĂ© suprĂȘme Jetait l’argent du sang qu’il s’était fait payer, Ces trente malheureux deniers on aurait mieux fait de ne pas les fabriquer. De ne jamais les fabriquer. Malheureux celui qui les frappa. À l’effigie de CĂ©sar. Malheureux celui qui les reçut. À l’effigie de CĂ©sar. Malheureux tous ceux qui eurent affaire Ă  eux. À l’effigie de CĂ©sar. Malheureux tous ceux qui eurent commerce avec eux. À l’effigie, Ă  l’effigie de CĂ©sar. Qui se les passĂšrent de main en main. Deniers dangereux. Plus faux. Infiniment plus dangereux. Infiniment plus faux que de la fausse voyait tout d’avance et tout en mĂȘme temps. Il voyait tout aprĂšs. Il voyait tout avant. Il voyait tout pendant, il voyait tout alors. Tout lui Ă©tait prĂ©sent de toute Ă©ternitĂ©. Et c’est alors qu’il sut la souffrance infinie, C’est alors qu’il connut, c’est alors qu’il apprit, C’est alors qu’il sentit l’infinie agonie, Et cria comme un fou l’épouvantable angoisse, Clameur dont chancela Marie encor debout, Et par pitiĂ© du PĂšre il eut sa mort du Mystere de la charitĂ© de Jeanne d'Arc swIxxon.